(english below)

Ma pratique de la photographie s'est construite de manière quotidienne, au départ dans une démarche très documentaire et souvent militante. Photographier la rue et les mouvements sociaux m'a vite mise face à une problématique de posture : avoir un appareil photo dans les mains et être en mesure d'immortaliser des visages me semble être un des pouvoirs les plus dangereux et insidieux qu'une personne puisse avoir. Le droit à l'image, à l'anonymat et à la vie privée sont des fondamentaux qui ont déjà trop tendance à s'évaporer dans les méandres de la société du spectacle et du tout sécuritaire pour que ne vienne s'ajouter un surplus d'images indésirables et surtout potentiellement non-désirées.
En réponse à ces convictions, j'ai adopté une posture discrète et vigilante : ne pas importuner et respecter autant l'espace des autres que le mien. Même si j'ai toujours plaisir à portraitiser quand je suis sûre d'avoir le consentement de mes sujets, m'éloigner du portrait m'a permis de tisser un lien fort avec le reste du monde qui m'entoure. Trouver la vie sans chercher les gens est devenu mon exercice préféré, du linge qui sèche aux chaises vides en passant bien sur par le reste du vivant, végétal et animal. Trouver des sujets qui a priori ne seraient pas mal à l'aise à l'approche d'un appareil photo, et les considérer avec autant d'empathie et de tendresse que si je photographiais des ami.e.s. Je portraitise le non-humain, peut-être.
Puis sont arrivées des envies d'expérimentation. Là, j'ai trouvé dans la multiple exposition numérique une bonne copine intemporelle. J'ai découvert à quel point il était possible de retranscrire par l’image ce que je vivais devant une scène, un concert ou un spectacle ou n'importe-quel paysage. Retranscrire les textures et les couleurs de la musique, la densité et l'atmosphère d'un paysage, le rythme et les mouvements d'un spectacle...
Aujourd'hui, si ma pratique prend toujours la forme de reportages documentaires, elle s'est donc aussi hybridée avec une démarche plus artistique et expérimentale.
ENGLISH
My photographic practice was built up on a daily basis, initially with a highly documentary and often militant approach. Photographing the street and social movements soon confronted me with a problem of posture: having a camera in your hands and being able to immortalize faces seems to me to be one of the most dangerous and insidious powers a person can have. The right to an image, to anonymity and to privacy are fundamentals that are already too prone to evaporate in the meanders of a society based on spectacle and security for a surplus of undesirable and, above all, potentially unwanted images to be added.
In response to these convictions, I have adopted a discreet and vigilant posture: not to intrude, and to respect the space of others as much as my own. Although I still enjoy portraying when I'm sure I have the consent of my subjects, stepping away from portraiture has allowed me to forge a strong bond with the rest of the world around me. Finding life without looking for people has become my favorite exercise, from drying laundry to empty chairs and, of course, the rest of the living world, vegetal and animal. I find subjects who, on the face of it, wouldn't feel uncomfortable approaching a camera, and treat them with as much empathy and tenderness as if I were photographing friends. I portray the non-human, perhaps.
Then came the urge to experiment. I found a good, timeless friend in the multiple digital exposure. I discovered how possible it was to retranscribe through images what I was experiencing in front of a stage, a concert, a show or any landscape. Retranscribing the textures and colors of music, the density and atmosphere of a landscape, the rhythm and movement of a show...
Today, while my practice still takes the form of documentary reporting, it has also hybridized with a more artistic and experimental approach.
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